Salariés détachés et formulaires A1 - Obligations des donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage, vigilance, travail dissimulé

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Par Maître Claire-Hélène BERNY 

Mis à jour au 17/03/2023 

Recours au détachement : la société doit demander au prestataire de services les certificats A1
 
Pour la Cour de cassation, commettent le délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, la société et le gérant qui ne vérifient pas la régularité de la situation de l'entreprise dont ils utilisent les services. À partir du moment où une entreprise est établie dans un autre État membre et est en mesure de fournir ces certificats pour tous les salariés qu'elle met à disposition, le seul fait que la société et le gérant n'aient pas demandé les certificats A1 pour les salariés détachés suffit à caractériser l'élément intentionnel de l'infraction. (Cassation, chambre criminelle, 21 février 2023)


Texte initial

Le recours à un ou plusieurs salariés détachés implique pour le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage une obligation de vigilance à laquelle il convient d’accorder toute l’importance nécessaire.

Les salariés détachés en France en application d’un règlement européen ou d’une convention bilatérale de sécurité sociale continuent à relever du régime de protection sociale de leur Etat d’origine et n’ont pas à âtre affilié au régime de protection sociale français durant le temps de leur détachement.

Un formulaire spécifique, le formulaire A1 (ancien formulaire E 101) atteste de la législation sociale qui leur est applicable. Ce formulaire doit être demandé par l’employeur et est délivré par l’organisme de protection sociale dont relève le salarié concerné.

Or, les personnes qui ont recourt à des travailleurs détachés ne doivent pas oublier qu’ils sont responsables de la situation des personnes travaillant pour leur compte, quand bien même ils ne sont pas directement leurs salariés.

 Le donneur d’ordre ou le maitre d’ouvrage doit veiller à la régularité de la situation des travailleurs détachés.

Débiteurs d’une réelle obligation de vigilance, ils doivent veiller scrupuleusement au respect de la législation en vigueur.

Cette situation se retrouve fréquemment dans le domaine du Bâtiment, de la Promotion immobilière ou encore du Transport routier, mais en réalité, tous les secteurs d’activité peuvent être concernés.

Le donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage faisant appel, directement ou indirectement à une telle sous-traitance est soumis à une obligation de vigilance, réglementée par le Code du travail, ainsi que par le Code de la Sécurité Sociale.


  • Obligation de vérifier la situation administrative des salariés détachés


C’est ainsi qu’avant le début de chaque détachement, le donneur d’ordre ou le maitre d’ouvrage doit vérifier auprès du prestataire de service établi à l’étranger que ce dernier s’est bien acquitté de ses obligations à l’égard de ses salariés.

A cet effet, il doit se faire remettre une copie (articles L.1262-4-1 et L.1262-2-1 du Code du travail) :

  • De la déclaration de détachement effectuée par le prestataire de service[1],


  • De la désignation du représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’accomplir les obligations et d’assurer la liaison avec les agents de contrôle


  • Des formulaires de sécurité sociale, désignés sous le nom de certificats A1 (ancien formulaire E101), pour chaque salarié concerné


Rappelons que ce formulaire est destiné notamment à faciliter le contrôle de la situation de ces travailleurs par les différents agents (inspecteurs du travail, agent des organismes de sécurité sociale…).

Il doit y avoir autant de formulaires que de salariés concernés.

C’est également la production de ce formulaire qui permet de confirmer que le donneur d’ordre ou le maitre de l’ouvrage est en règle avec les obligations de vérification prévues à l’article L.8222-4 du Code du travail.[2]

Rappelons l’importance donnée par les juges français et communautaires à ce certificat :


  • Tout d’abord, il est le seul document susceptible d’attester la régularité de la situation sociale du cocontractant établi ou domicilié à l’étranger[3]. Aucun autre document n’est reconnu comme valable par les organismes sociaux, ni par les juridictions.


  • Par ailleurs, tant que ce certificat E 101 n’est pas retiré ou déclaré invalide, il est opposable aux organismes sociaux du pays où travaille le salarié détaché. Ceux-ci ne peuvent donc pas affilier « d’office » le travailleur aux régimes nationaux[4] quand il est en possession d’un tel formulaire


  • En revanche, le juge national peut écarter ces certificats, mais dans des conditions très strictes, et notamment si l’institution émettrice s’abstient, dans un délai raisonnable, de procéder à un réexamen du certificat à la lumière des éléments de fraude portés à sa connaissance[5].


  • Renforcement des obligations : articles L.114-15-1 du Code de la Sécurité Sociale


De plus, cette obligation a été renforcée, à compter du 1er avril 2017, par l’article L.114-15-1 du Code de la Sécurité Sociale : les formulaires doivent être tenus à disposition des agents de contrôle sur le lieu d’exécution du travail et chez le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage.

Cela implique qu’en cas de contrôle sur site, les agents demanderont la communication immédiate de ces formulaires, qui devront être produits sans délai.

Le défaut de production de ce document lors du contrôle entraîne l’application d’une importante pénalité, du par le donneur d’ordres. Celle-ci est égale au montant du plafond mensuel de la sécurité sociale. Elle est fixée pour chaque travailleur concerné.

Notons cependant que cette pénalité n’est pas applicable si les intéressés justifient avoir demandé les formulaires et les produisent dans le délai de deux mois suivant le contrôle.

*

Rappelons les risques encourus par le Maitre d’ouvrage ou le donneur d’ordre qui recourt sciemment directement ou par personne interposées, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, qui sont notamment :


  • La solidarité financière pour le paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires, pénalités et majorations dus au Trésor ou aux organismes de protection sociale


  • Le remboursement des aides publiques


  • Le délit de recours au travail dissimulé = Voir la mise à jour au 17/03/2023 en début d'article.


En conclusion, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage doit apporter toute son attention à la situation des salariés détachés travaillant pour son compte. Il doit s’assurer d’être en possession de tous les documents demandés, et en cas de  contrôle, d’être en capacité de produire tous les documents nécessaires à la justification de la situation des personnes concernées.

(Article initialement publié sur le site VILLAGE JUSTICE)

[1] A défaut, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage doit adresser à la Direccte compétente, dans les 48 heures suivant le début du détachement, une déclaration subsidiaire rédigée en français. (Article L.1262-4-1 alinéa 2 du Code du travail, loi du 6 août 2015).


[2] L’article L.8222-4 du Code du travail impose aux donneurs d’ordre ou maitres d’ouvrage, lorsque l’employeur est établi à l’étranger de s’assurer que « les obligations dont le respect fait l'objet de vérifications [et qui] sont celles qui résultent de la réglementation d'effet équivalent de son pays d'origine et celles qui lui sont applicables au titre de son activité en France. » sont bien respectées.

[3] Cass 6 novembre 2015, n° 14-10182 et 14-10193

[4] CJCU : arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, C‑620/15


[5] CJUE, 6 février 2018, aff C 359/16

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